Développer son amour-propre : le remède pour éradiquer le sentiment de culpabilité (2)

Publié le

22 oct. 2025

par Mathilde Carrée

Accepter sa nature imparfaite

Le sentiment de culpabilité est une perception, pour ne pas dire une illusion, provoquée par une estime de soi déficiente. Ce sentiment est souvent l’effet d’un biais cognitif qui nous fait voir les choses à travers les yeux du mental, autrement dit de l’ego qui manque cruellement de réalisme. Comprenez par-là que le sentiment de culpabilité est une vision déformée qui tente de nous faire croire que nous devrions toujours être impeccables et que nous n’avons pas à nous permettre d’être tout simplement qui nous sommes, ni plus ni moins. Pourquoi le fait d’être imparfaits est-il considéré comme une faute si grave, que nous devrions nous sentir honteux d’être seulement ce que nous sommes ? De fait, c’est bien cette vue de l’esprit, qui n’est jamais dite, mais qui pourtant amène quasiment tous les humains à penser qu’il est préférable de porter un masque en public. Il est une réalité que presque tous les enfants du monde sont formatés pour croire que l’amour est quelque chose qui se mérite, quelque chose qui s’obtient par la capacité à satisfaire les attentes d’autrui. On n’apprend guère aux enfants que l’amour est quelque chose qui s’obtient sans condition lorsque l’on a face à soi une personne au cœur grand ouvert. Il apparait donc comme étant assez logique, une fois adulte, de persister à penser que pour obtenir de l’affection et de la considération, il convient de faire passer les autres avant soi-même.


Le sentiment de culpabilité, un aimant à la culpabilisation

D’une certaine manière, pour certaines personnes, le sentiment de culpabilité peut s'apparenter à une sorte de passe-droit car elles captent les doutes de ceux qui n’ont pas confiance en eux, et en profitent pour leur refiler leurs propres culpabilités non assumées, à l’instar de deux vases communiquant. Le doute de soi et l’auto-critique ressentis par les uns, accordent implicitement à d’autres la liberté de se dispenser de remises en question qui pourtant seraient salutaires. Beaucoup de personnes refusent catégoriquement d'assumer leur part de responsabilité. Il est plus facile pour elles de se voir comme des victimes. Pour elles, admettre qu’elles se sont trompées, reconnaître leur manque de discernement ou s’excuser d’une maladresse les fait se sentir dégradantes. D’ailleurs, elles ont la fâcheuse manie de monter sur leurs grands chevaux dès que l’on souligne un de leur défaut. Pour s’auto convaincre de leur irréprochabilité, elles accusent et culpabilisent toute personne encline à douter d’elle-même. Par conséquent, ce n’est pas parce qu’une personne face à vous semble droite dans ses bottes et qu’elle affiche une assurance implacable, que cela indique qu’elle est meilleure que vous. Cela montre avant tout qu’elle ne possède pas une base psychique suffisamment solide pour faire face à ses imperfections sans avoir à la projeter sur autrui.

L’absence de culpabilité : un trait de caractère narcissique

La difficulté à prendre sa part de responsabilité comme le manque de capacité à culpabiliser quand cela s’avère constructif sont deux traits de caractère de la personnalité narcissique. Je le répète : la culpabilité non dénaturée en sentiment de culpabilité est une chose potentiellement bénéfique puisqu’elle peut nous amener à prendre de la hauteur afin de nous améliorer. Sans pour autant essayer d’être parfaits, nous pouvons tout de même œuvrer à devenir plus vertueux en réfléchissant à nos comportements pour les rendre plus adéquats. La culpabilité saine peut également contribuer à élargir nos perspectives du bien et du mal. La culpabilité est donc parfois nécessaire, elle a son rôle à jouer pour que nous puissions avancer vers le bien et le juste.

En revanche, les personnes au caractère à dominance narcissique rejettent toute culpabilité à l’extérieur d’elles-mêmes en étant convaincues que ce sont toujours les autres le problème. Comme l’a dit J-P Sartre : « L’enfer c’est les autres ». Cette phrase souvent mal interprétée, nous indique en définitive que la véritable liberté réside dans le détachement face à toute forme de jugement.  L’enfer ne réside donc pas dans les autres mais dans les projetions que nous plaçons sur eux, tout comme celles qu’ils renvoient sur nous. Par conséquent, il est périlleux de relationner avec une personne au profil narcissique car avec elle, vous serez systématiquement à la place de celui qui doit revoir sa copie. Et même si vous étiez parfait, vous seriez encore critiquable, par esprit de jalousie et de rivalité car le narcissique a besoin de se sentir mieux que l’autre pour calmer ses angoisses.  

Il critique, raille, contrôle, sanctionne, parfois humilie pour ne pas s’effondrer lorsque l’autre le dépasse. On peut être culpabilisé pour avoir mal fait mais on peut aussi l’être parce qu’un sentiment d’infériorité s’est réveillé chez l’autre. Quand l’on n’a pas une haute opinion de soi-même, que l’on ne s’est jamais senti suffisant et que l’on ne sait pas exactement à quel endroit il est approprié de poser des limites, alors la culpabilité saine se transforme en sentiment de culpabilité.

Faire la part des choses entre culpabilité et empathie

L'excès de culpabilité peut conduire à une empathie mal orientée. Elle pousse, par exemple, à s'imaginer que si nous ne nous plions pas aux désirs de l’autre personne, c’est que nous sommes égoïstes. Ou encore, que si nous avons un avis différent, c’est que nous ne nous montrons pas suffisamment compréhensif. Une empathie mal orientée peut inciter à faire quelque chose qui va à l’encontre de nos propres principes parce qu’on a cru que l’autre personne n’avait pas la capacité de supporter les contraintes inhérentes à notre résistance. Si vous avez tendance à vous montrer trop empathique, vous avez un intérêt à apprendre à vous positionner sans craindre de décevoir, en mettant la priorité sur votre intégrité morale et physique. Il faut s’habituer à ne pas se sentir coupable lorsque l’on veut rester intègre et fidèle à ses valeurs.

Faire grandir son amour propre, plutôt que de chercher à se faire confirmer sa valeur par autrui

Tant et aussi longtemps que l’estime de soi n’est pas rétablie et renforcée, une personne reste facilement culpabilisable et manipulable. Dans cette optique, il apparaît comme pertinent de s'attacher à développer un amour de soi sain, plutôt que de rechercher la confirmation de sa valeur dans les yeux des autres. Se guérir de la fâcheuse tendance à ressentir de la culpabilité est avant tout une démarche de restauration de l’amour propre.  Le but est d'apprendre à s’aimer et de prendre conscience de qui l’on est au-delà de ses blessures et des traumatismes subis.

La personne va découvrir qu’elle n’est pas ses symptômes et que ses symptômes ne sont que la manifestation de toutes les émotions qui n’ont jamais pu être exprimées avant et qui ont été refoulées dans l’inconscient.

Premier pas pour développer son amour-propre et arrêter de culpabiliser inutilement

S’aimer, c’est s’accepter tel que l’on est, là où on en est, dans son processus de guérison. C’est se réconcilier avec ses besoins naturels et c’est aussi cesser de croire que si l’on souffre, c’est forcément de notre faute. C’est aussi s’accorder la liberté d’être soi sans avoir à cacher qui l’on est vraiment, par peur de décevoir. Ainsi, travailler sur soi, cela ne consiste pas à corriger tous ses travers et à éliminer tous ses symptômes. Cela consiste avant tout à renouer avec notre part enfantine spontanée, à retrouver notre identité profonde, à libérer notre moi authentique des croyances limitantes qui empêchent d’être soi-même.

Nous n’avons pas à convaincre qui que ce soit de notre valeur, nous avons à nous en convaincre nous-même et le reste suivra. Pour y parvenir il faudra explorer ses blessures émotionnelles de façon à pouvoir, petit à petit, s’en désidentifier. Les symptômes disparaîtront d’eux-mêmes en temps voulu, sans rien forcer.